Wednesday, July 18, 2012

# Caroline Cranskens & Catherine Burki / Correspondances / 2012

Correspondances entre Caroline Cranskens (écrit) & Catherine Burki (illustration)


Je ne vois plus le fleuve

Je ne vois plus le fleuve
Ou bien c’est une machine qui répand la rumeur
De cargos qui emmènent
Jusqu’au Brésil
En passant le message
De la mer démontée et des marins à sec
Tombant les mains levées sur les pavés glissants
Je n’entends plus la ville
Sinon des jours durant
Au milieu d’autres villes et d’autres cris d’enfants
Que je confie aux vagues et au corps dans le cadre
Et au corps en morceaux
Éclaté
Je m’endors quelquefois sur un chemin de courbes
Dans les relents d’essence et de douces pluies d’été
En retournant les pages habitées par le vent



Entre deux heures

Le cœur entendu
Sur les lèvres la question se pose
S’ouvre plus d’une fois
Avant l’aube 
Le temps de se retourner
Dans la nuit vaste
Je crois : nuit de désert
Se prenant dans le cadre
De la toile infinie
Et jusqu’au fond du ciel
La lumière suspendue

Je n'ai pas de nom

Je n’ai pas de nom
Ni de dieu véritable
Je les porte comme on bloque un accès
En changeant de disque le plus souvent
À marée basse

Il n’y a pas que des images
À la fin
Il n’y a rien
Que le reflet du temps
Tu me dis le contraire
Une pierre douce, un arbre de vent, une figue du désert
Ailes au-dessus de la ville
Dans ton regard ouvert

Alors je finis par croire
À la forme fuyante des mots
Depuis le ciel de la langue
Jusqu’à l’ombre au-dedans

Et de nos doigts brûlants
Au passage de l’air
Fragment sur fragment
Nous inventons la suite





Avec la pierre

Je n’ai fait que rêver dans une voie de garage
Un coin troué de la carte aux nerfs emmêlés
Au souffle cimenté de fabriques infernales
Et j’ai tourné jusqu’à perdre la lueur
Qui perçait de l’ordre infini

Un point donné (une image fixe)
Est sorti en roue libre du mois le plus fou
Le corps était le ciel
Le corps était la terre
Maintenant que le corps n’est plus qu’une traversée
Jour réel - Je suis un morceau de toi
De jour déjà éteint
Et les visages éclatent d’hommes fiévreux égarés sous leurs masques
Avec leurs mains jointes aux barreaux qui prient pour oublier
Leurs mains de tueurs qui écrivent
En refermant le monde sur lui-même

                                                                                  xxxxx

Les mots ont appelé à l’aide
Qui ne viendra pas
Et il n’y a pas plus de raisons à cela
Que celles du miroir qui marche droit
Vers l’iris exalté du ciel

                                                                                  xxxxx

Un temps je dis : ton corps
Garde les traces
Meurt dix mille fois
Renaît presque autant
Deux : tu voulais la carte du ciel éteint
Plus tard : c’est simple
Un titre couleur herbe le souligne en gras :
Qui suis-je ?
Et toi : qui étais-tu ?
Ou bien était-ce la question de tes doigts de pierre ?

                                                                                  xxxxx

L’histoire se craquelle en suivant les fils
De la lumière sans trame
Comme une chanson de marins
De morts
De nomades

Je m’endors prudemment en regagnant le nord
À la hâte
La glace d’avril se fissure
Elle me parle d’un abri perdu
En lâchant des Ah! terribles

Oh je n’oublie pas
Les corps qui se mêlent à la lumière blanche 
Derrière le cadre obscur

                                                                                xxxxx

Je vais retrouver dehors
Ce qui n’ayant pu être
Sera
Et le sens ébloui du rythme


No comments:

Post a Comment